Les interprètes co-thérapeutes

Nous travaillons avec 16 interprètes en présentiel dans le cadre de nos activités de soins. Ces interprètes impliqués dans le suivi de nos patients sont considérés comme des co-thérapeutes.

 

En effet, pour que le patient s’implique dans un suivi thérapeutique, ce qui ne va pas de soi, – parce que la fonction du psychologue est totalement absente de la représentation culturelle du patient, ou parce que cette même représentation l’amène à considérer que seuls les personnes atteintes de folie peuvent bénéficier de ce type d’accompagnement -, il est nécessaire que les patients allophones puissent se sentir totalement en confiance dans l’espace thérapeutique. Tout comme l’alliance thérapeutique avec le psychologue nécessite du temps, le lien avec l’interprète demande également une attention particulière. L’interprète s’engage, au même titre que le psychologue dans l’accompagnement thérapeutique, et la configuration thérapeute/interprète est la même durant tout le suivi.

Il ne s’agit pas pour l’interprète de se substituer aux choix thérapeutiques du psychologue, mais d’y apposer sa couleur, sa propre compréhension, et par là-même d’y participer pleinement. Après chaque consultation, un temps d’échange avec l’interprète lui permet d’avoir un espace de debriefing, afin d’effectuer le travail associatif nécessaire qu’il n’a pas eu le temps de faire au cours de la consultation. Ce temps est d’autant plus nécessaire que la consultation a été émotionnellement chargée. C’est l’occasion pour le psychologue de revenir sur sa démarche thérapeutique et de discuter des moments clefs de l’entretien. L’interprète est alors sollicité pour apporter un éclairage culturel et lexical indispensable à la bonne conduite du suivi.

Le réseau interprètes

Nous avons co-construit avec les interprètes souhaitant s’impliquer dans ce type de suivi, un espace de formation leur permettant de mieux aborder leur place au sein du centre Frantz Fanon. Nous avons ouvert cet espace de formation aux interprètes professionnels qui souhaitaient acquérir les outils pour se spécialiser dans l’interprétariat en santé et en particulier en santé mentale. L’objectif des formations théoriques est de fournir des outils pour trouver la bonne place en tant qu’interprète ; comprendre le fonctionnement et les enjeux des thérapies engagées avec les personnes exilées ; trouver la manière dont les interprètes peuvent individuellement se protéger des violences entendues lors des consultations ; trouver une place de médiateur culturel avec le thérapeute ; appréhender la place de co-thérapeute, en saisir les enjeux et les mécanismes.

La mise en situation par des jeux de rôle est un moyen de mettre en pratique les éléments théoriques abordés.
Rapidement s’est posée la question de la nécessité de proposer en parallèle un espace contenant pour que les situations cliniques auxquelles les interprètes sont régulièrement confrontés puissent être travaillées. Nous avons ainsi décidé de mettre en place des temps d’accompagnement clinique tels que des analyses de pratiques professionnelles. La proposition d’analyse de pratiques vise à mieux se connaître, mieux se protéger en tant qu’interprète ; avoir un espace pour penser les situations problématiques et trouver des leviers pour s’en dégager. Il s’agit également de favoriser un étayage groupal.
Concrètement, le réseau interprètes se réunit tous les derniers vendredis de chaque mois, de 9h30 à 12h00 au centre Frantz Fanon. Cette participation est soumise à une inscription préalable (lien avec adresse mail : muriel.montagut@lacimade.org).

En 2019, nous avons organisé 9 séances de formations/accompagnement dans le cadre de cet atelier : 4 formations théoriques, 4 analyses de pratiques et une séance de jeux de rôle. Un questionnaire est actuellement en cours de passation auprès des 35 interprètes qui ont participé à ces ateliers pour les adapter au mieux à leurs besoins.

Il a été convenu lors du premier atelier de créer un répertoire lexical commun sur les termes techniques rencontrés dans les suivis cliniques.
Par ailleurs, nous avons déjà associé en 2019 trois interprètes à des temps de formations dans lesquels ils ont pu développer la spécificité de leur pratique. Ces interventions ont été particulièrement appréciées par les intervenants sociaux qui en bénéficiaient, et qui ont souligné de quelle manière cette meilleure compréhension du rôle des interprètes allait modifier à l’avenir leur collaboration avec les professionnels de ce corps de métier.
A terme, l’objectif est de créer un répertoire d’interprètes professionnels formés à l’interprétariat en santé ouvert à tous les professionnels.

Les interprètes intervenant régulièrement au centre dans le cadre de co-thérapie

Abdulhamid BARAKAT

arabe, arabe littéraire

Elena CROS

russe, roumain

Olga KAKAVESHKA

Russe

Liana MANUKYAN

Georgien, arménien

Nevenka MITROVIC

serbe, croate

Ely MORCILLO

espagnol, japonais, portugais

Ermelinda MUHO

Albanais

Esin TULEK

Turc

Victoria ORANGE

anglais, russe, allemand

Mercedes Lonardi

espagnol